Internet, Commerce électronique et GSM

en Tunisie: L'après 2000

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager

No. 54, janvier 2001, pages 42-47


Par Mohamed Louadi, PhD

Dans quelques jours, la Tunisie entrera dans le troisième millénaire. Le vrai cette fois. Une année se sera écoulée entre-temps durant laquelle la Tunisie a accompli des réalisations à tous les niveaux. Déjà, elle figure dans des classements internationaux sur la compétitivité, la liberté économique, le capital risque et l'innovation technologique et elle s'impose déjà, avec l'Afrique du Sud, comme un des pays les plus avancés d'Afrique en matière de nouvelles technologies, d'Internet et de commerce électronique.

Certes, les choses n'ont pas commencé en 2000 car la Tunisie a été aux devants de la scène depuis le début de la révolution de l'Internet. Mais les réalisations qu'elle a accomplies en 2000 méritent d'être soulignées car elles sont décisives pour l'avenir de la Tunisie et de son peuple et parce qu'elles revêtent une importance particulièrement symbolique en cette fin de millénaire.

D'entre toutes les percées dont la Tunisie peut s'enorgueillir figurent la promulgation et l'adoption d'une loi sur le commerce et les échanges électroniques. Cet événement majeur distingue la Tunisie des autres pays arabes et africains. Jusqu'à cette date, parmi les pays arabes, seules l'Égypte et la Jordanie disposaient d'outils juridiques liés au commerce électronique. Mais il s'agit d'accords conjoints avec les États Unis légiférant le commerce et les échanges électroniques entre eux et les États-Unis.

Le deuxième événement fut l'introduction de la première monnaie électronique tunisienne (voir l'Économiste no 269 du mois de septembre 2000). Baptisé "e-Dinar", le nouveau mode de payement virtuel fut testé lors du lancement de projets pilotes d'inscription universitaire à distance et est destiné à être généralisé à d'autres types d'échanges. Simple et pratique, le e-Dinar est unique dans son genre parce qu'il s'adapte aux réalités tunisiennes où le taux de bancarisation reste tristement faible et où les porteurs de cartes de crédit ne courent pas les rues.

Pour cette fin d'année coïncidant avec la fin d'un millénaire, nous avons sélectionné quelques dates, certaines assurément plus importantes que les autres, mais que nous pensons illustratrices des progrès presque quotidiens dont la Tunisie s'est faite forte en 2000.

16 février 2000: Le gouvernement tunisien décide d'investir près de 600 millions de dollars US durant les deux prochaines années pour étendre et renouveler son infrastructure de Télécommunications. Par ailleurs, le gouvernement prend des mesures afin de parfaire la législation concernant les technologies de l'information et ce, conformément aux accords avec l'OMC tout en ajournant la privatisation imminente de Tunisie Télécom.

Le gouvernent aspire à moderniser Tunisie Télécom en préparation à une éventuelle compétition internationale. Des projets sont en cours pour étendre le réseau de fibre optique, le réseau GSM et l'accès à l'Internet. Les investissements extérieurs dans le secteur des technologies de l'information sont encouragés. Cette volonté est d'ailleurs exemplifiée par l'ouverture du Complexe Technologique des Communications d'El Ghazala, aussi appelé Parc Technologique des Communications ou Cité Technologique des Communications. Six compagnies y sont établies dont plusieurs exportent leurs services et logiciels sur le marché américain. Ces six entreprises sont: Cynex, Omiacom, PicoSoft, Alcatel, IRSIT et BFI.

Mars 2000: Le groupe de presse arabe, le Dabbagh Information Technology et l'Internet Al-Alam Al Arabi estiment le nombre d'internautes dans les pays arabes. Le nombre total est estimé à 2 millions. La Tunisie en compte 110.000, ce qui lui permet de se classer cinquième, après Égypte, les Émirats Arabes Unis, l'Arabie Saoudite et le Liban.

15 avril 2000: Annonce par M. Ahmed Friaâ, ministre des Communications, de la mise en place, d'ici la fin de 2001, d'un réseau en fibres optiques long de 6.500 kilomètres. Le ministre annonce également que la Tunisie entendait se doter prochainement d'un réseau de transmission de données par satellite destiné, entre autres, aux entreprises.

17-18 mai 2000: Tenue du séminaire All in One Network organisé par l'Association des sup-télécoms tunisiens durant lequel un grand nombre de spécialistes en télécommunications exposent l'état de l'art en la matière. M. Ahmed Friaâ, y expose les développements récents réalisés dans le secteur des télécommunications en Tunisie. Concernant le réseau GSM (Global System for Mobile Communication), l'on apprend qu'il est prévu d'augmenter le nombre de lignes GSM à 300.000 à la fin de cette année au lieu des 200.000 prévus. L'on apprend par ailleurs que le nombre d'Internautes tunisiens est passé à 200.000. Tenue du séminaire All in One Network organisé par l'Association des sup-télécoms tunisiens durant lequel un grand nombre de spécialistes en télécommunications exposent l'état de l'art en la matière. M. Ahmed Friaâ, y expose les développements récents réalisés dans le secteur des télécommunications en Tunisie. Concernant le réseau GSM (Global System for Mobile Communication), l'on apprend qu'il est prévu d'augmenter le nombre de lignes GSM à 300.000 à la fin de cette année au lieu des 200.000 prévus. L'on apprend par ailleurs que le nombre d'Internautes tunisiens est passé à 200.000.

18 juin 2000: Ericsson et Tunisie Télécom signent un contrat de 50 millions de dollars US. Parmi les engagements d'Ericsson figurent une infrastructure GSM 900, un système GPRS (General Packet Radio Services) complet, une fonctionnalité pré-payée et l'addition de nœuds couvrant un système de facturation et un système de gestion de fraudes. Conformément à l'accord, le système devrait être opérationnel dans douze mois avec une capacité de 300.000 lignes.

30 juin 2000: Des statistiques précises sont arrêtées et publiées (voir file:///C:/My%20Files/Teaching/00-Page%20web/Tests/094Internet,%20commerce%20électronique%20et%20GSM/(www.infocom.tn): il existe 5.081 publitels opérationnels, 60.386 abonnés aux services GSM, la télédensité pour le téléphone fixe est de 10,50% et le nombre total de lignes téléphoniques principales en service est de 900.728.

Juin 2000: Le World Economic Forum publie son rapport classant les pays africains en fonction de leur indice de compétitivité économique (voir l'Économiste no 267 du mois d'août 2000). Dans le même rapport, l'on apprend qu'avec 140.470 sites Internet, suivie de la Namibie qui en compte 1.995, l'Afrique du Sud est classée première en ce qui concerne les infrastructures Internet mais n'est que troisième en ce qui concerne l'accès, précédée par la Namibie et la Tunisie.

8 juillet 2000: Le magazine Wired classe les 46 capitales high-tech de cette année. Ce sont les capitales les plus prometteuses dans la nouvelle économie numérique. Le classement se fait de 1 à 4 selon la proximité de cadres universitaires et de centres de recherche fournissant la formation et l'encadrement idoines, la présence de compagnies et de multinationales fournissant l'expertise nécessaire, le sens d'entrepreneuriat et la disponibilité de capital risque garantissant la commercialisation et la mise sur le marché des innovations. Ex aequo avec l'Afrique du Sud, la Tunisie, grâce au complexe technologique des communications d'El Ghazala, y récolte un score de 4 alors que Silicon Valley s'arroge un score confortable de 16. Quoique le classement concerne 46 cités, avec plusieurs cités appartenant aux mêmes pays (à eux seuls, les États-Unis y sont représentée par 12 cités différentes), la Tunisie est en fait classée parmi 24 pays. Concernant le complexe, le commentaire de Wire Magazine est le suivant: "Les coûts élevés de l'infrastructure ont gardé le nombre d'utilisateurs de l'Internet lamentablement bas, à l'exception de l'Afrique du Sud et la partie nord du continent. Prenons l'exemple de la Tunisie. Même dans les régions les plus reculées du pays, l'Internet est accessible au prix d'une communication locale. L'année dernière, dans la banlieue de la capitale Tunis, le gouvernement a lancé le parc des technologies de la communication qui héberge six entreprises incluant Cynex et Picosoft, des compagnies de consultation et de systèmes. Afin d'aider ces entreprises dans leurs recrutements, l'Institut des Hautes Études Commerciales vient juste de lancer un DESS en technologies de l'information et commerce électronique" (traduction de l'auteur).

Depuis la création du Complexe, le nombre d'ingénieurs et cadres supérieurs travaillant dans ce complexe est passé de 217 en 1999 à 323 cette année.

9 août 2000: Adoption de la Loi 2000-83 réglementant les échanges et le commerce électroniques. La loi, rendue nécessaire par l'émergence de nouveaux modes d'échange à distance, réglemente, entre autres, l'utilisation du document et de la signature électroniques (voir le Manager no 47 du mois de juin 2000). Il est espéré que les entreprises tunisiennes tireront profit de cette nouvelle législation pour promouvoir les produits tunisiens, favoriser l'intégration de l'économie tunisienne dans la mondialisation et garantir la transparence des transactions électroniques et la confiance entre les opérateurs économiques. Adoption de la Loi 2000-83 réglementant les échanges et le commerce électroniques. La loi, rendue nécessaire par l'émergence de nouveaux modes d'échange à distance, réglemente, entre autres, l'utilisation du document et de la signature électroniques (voir le Manager no 47 du mois de juin 2000). Il est espéré que les entreprises tunisiennes tireront profit de cette nouvelle législation pour promouvoir les produits tunisiens, favoriser l'intégration de l'économie tunisienne dans la mondialisation et garantir la transparence des transactions électroniques et la confiance entre les opérateurs économiques.

29 août 2000: Lancement d'une monnaie électronique exclusivement tunisienne. Le "e-Dinar", lancé par la Poste Tunisienne, vient concrétiser la décision prise par le conseil ministériel présidé par le Président Zine El Abidine Ben Ali le 9 juin dernier concernant l'économie immatérielle et appelant au lancement de projets pilotes d'inscription universitaire à distance (voir l'Économiste no 269 du mois de septembre 2000).

Septembre 2000: Publication tant attendue de l'appel d'offre pour la sélection de nouveaux fournisseurs d'accès à l'Internet tunisiens. L'appel concerne la sélection de six fournisseurs d'accès qui seront implantés dans six villes desservant le backbone national à savoir: Béja, Gafsa, Kairouan, Médenine, Sfax et Sousse. Jusqu'à présent, seuls deux fournisseurs étaient disponibles pour les privés: Planet Tunisie et 3S GlobalNet. Sept autres fournisseurs sont réservés aux agences et départements du gouvernement, à savoir: l'Agence Tunisienne de l'Internet (ATI), l'Institut Régional des Sciences Informatiques et des Télécommunications (IRSIT), le Centre de Calcul Khawarizmi, l'Institut National de la Bureautique et de la Micro Informatique (INBMI), le Centre Informatique du Ministère de la Santé Publique (CIMSP), l'Institution de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur Agricole (IRESA) et Tunisie Télécom

1er octobre 2000: Le projet de la Liasse unique, une grande première en Afrique, dans les pays arabes et même dans la Méditerranée, est enfin opérationnel sous la houlette de Tunisia Trade Net (TTN). La Liasse unique, un système d'échanges électroniques de documents (EDI) tunisien, instaure une gestion totalement électronique de tous les documents administratifs, commerciaux et bancaires nécessaires pour les opérations d'exportation. Dotant les opérateurs (importateurs, exportateurs, transitaires) ainsi que leurs vis-à-vis (Office du Commerce, Douane, banques, etc.) d'une interface commune, le système simplifie ainsi les procédures du commerce international.

15 décembre 2000: C'est ce vendredi 15 décembre que le nom de l'opérateur ayant remporté l'appel d'offres relatif à l'étude de l'exploitation et de l'installation de la deuxième licence de GSM en Tunisie est enfin révélé. C'est la Société de banques françaises et internationales (SBFI) qui effectuera l'étude dans le cadre d'une concession et en collaboration avec un consortium consultatif composé de trois institutions internationales de conseil dans les affaires juridiques, d'une banque d'affaires, l'International Maghreb Merchant Bank (IMMB) et d'un cabinet de conseil tunisien. Le contrat est signé à Tunis le 14 décembre par M. Ahmed Friaâ, ministre des Communications, et M. Abderrahmane Haj Nasser, représentant de la SBFI. La SBFI doit présenter les résultats de l'étude avant la fin du premier semestre 2001. Géré par Télécom Tunisie, précise le communiqué, le réseau compte actuellement 100.000 lignes opérationnelles dans Tunis et le long de la côte touristique à l'est du pays. Sa capacité devrait être portée à 400.000 lignes afin de couvrir toutes les régions.

Novembre 2000: Alors qu'il était de 39.000 en 1999, le nombre d'abonnés au GSM est estimé à 90.000 soit exactement le double de ce qu'il était en juin 2000.

19 décembre 2000: Annonce, suite aux instructions du Président Zine El Abidine Ben Ali d'une réduction, à partir de 2001, des tarifs d'abonnement à l'Internet. Cette réduction se traduira par des abattements de 30% en moyenne et ce, en fonction des formules d'utilisation familiales.

La Tunisie n'aspire pas uniquement à se connecter à l'intérieur. En fait, et en symbiose avec la nature de son peuple, la Tunisie est d'abord extravertie, tournée vers l'extérieur. Un clin d'œil sur le passé ne nous montre-t-il pas qu'elle a commencé par développer son réseau de communications internationale, une infrastructure qui lui permettra d'avoir une liaison directe avec plus de 40 pays? D'entre les participations actives auxquelles la Tunisie a pris part, l'on n'oubliera pas de mentionner le projet de câbles sous-marins en fibres optiques SEA ME WE II (South East Asia-Middle East-Western Europe) et qui est en service depuis six ans déjà. D'autres réseaux, dont Arabsat et Intelsat passent par la Tunisie, et bientôt, le réseau Thuraya fera partie du lot.

Les objectifs futurs tels qu'ils ont été déclarés tout au long de l'année peuvent être résumés comme suit:

Il est clair que le gouvernement tunisien accorde le plus grand intérêt aux technologies de l'information en général et à l'Internet et au commerce électronique en particulier. La Commission nationale pour le Commerce électronique avait été créée il y a déjà trois ans et oeuvre encore à promouvoir cette autre manière de faire des affaires. Alors que le nombre d'internautes a souvent été estimé à 200.000, l'on parle désormais de 250.000 (voir la Presse Économique du 4 décembre 2000, page II) et même de 300.000 (voir le Temps du 13 décembre, page 3), mais il faudra un bien plus grand nombre d'internautes pour que l'on puisse parler sérieusement de commerce électronique, du moins dans sa variante B2C (entreprise à particulier). Mais le commerce B2B (entreprise à entreprise) est d'ores et déjà possible. Et pas seulement dans la théorie.

Il y a loin de la coupe aux lèvres car l'avenir du commerce électronique n'est pas uniquement une affaire d'infrastructures de communication et de technologies mais de volontés (au pluriel) et d'acculturation, ce qui demeure à notre sens le plus grand défi. Les technologies sont une affaire de développement et de moyens. Mais la volonté des entreprises tunisiennes à adopter le commerce électronique prendra du temps à garantir. Le temps étant la variable la plus critique de toute équation, la Tunisie est sur la bonne voie et il s'agira de garder le cap. Après tout, Rome ne s'est pas faite en un jour. Carthage non plus.

Classement des plus grandes capitales high-tech du monde(Source: Wired Magazine, 2000)

 

Cité

score  global

universités

compagnies

startups

capital risque

1

Silicon Valley, Californie (USA)

16

4

4

4

4

2

Boston (USA)

15

4

4

3

4

3

Israël

15

4

4

4

3

4

Stockholm-Kista (Suède)

15

3

4

4

4

5

Helsinki (Finlande)

14

3

4

4

3

6

Londres (Angleterre)

14

4

3

3

4

7

Raleigh-Durham-Chapel Hill, Caroline du Nord

14

4

4

3

3

8

Austin, Texas (USA)

13

3

4

4

2

9

Bangalore (Inde)

13

3

4

3

3

10

San Francisco (USA)

13

3

3

3

4

11

Taipei (Taiwan)

13

4

3

3

3

12

Albuquerque, New Mexico (USA)

12

4

3

3

2

13

Cambridge (Angleterre)

12

4

3

3

2

14

Dublin (Irlande)

12

3

3

3

3

15

Montréal (Canada)

12

3

4

2

3

16

New York City (USA)

12

3

3

3

3

17

Seattle (USA)

12

3

4

3

2

18

Bavière (Allemagne)

11

3

3

2

3

19

Flandres (Belgique)

11

4

2

3

2

20

Hsinchu (Taiwan)

11

3

1

4

3

21

Kyoto (Japon)

11

4

1

3

3

22

Los Angeles (USA)

11

3

3

2

3

23

Malmö (Suède) Copenhague (Danemark)

11

3

3

2

3

24

Tokyo (Japon)

11

3

2

3

3

25

Baden-Württemberg (Allemagne)

10

3

3

2

2

26

Melbourne (Australie)

10

3

2

3

2

27

Oulu (Finlande)

10

3

2

3

2

28

Paris (France)

10

ni

ni

ni

ni

29

Thames Valley (Angleterre)

10

3

3

2

2

30

Virginie (USA)

10

3

3

2

2

31

Chicago (USA)

9

3

2

2

2

32

Hong Kong

9

3

2

2

2

33

Queensland (Australie)

9

2

3

2

2

34

Saõ Paulo (Brésil)

9

1

3

3

2

35

Campinas (Brésil)

8

4

3

1

0

36

Glasgow-Edinburgh (Ecosse)

8

3

3

1

1

37

Inchon (Corée du Sud)

8

2

2

2

2

38

Kuala Lumpur (Malaisie)

8

2

3

1

2

39

Salt Lake City, Utah (USA)

8

3

2

2

1

40

Santa Fé, New Mexico (USA)

8

3

2

2

1

41

Saxony (Allemagne)

8

3

2

1

2

42

Sophia Antipolis (France)

8

2

3

2

1

43

Singapour

7

1

2

2

2

44

Trondheim (Norvège)

6

2

1

2

1

45

El Ghazala (Tunisie)

4

1

1

1

1

46

Gauteng (Afrique du Sud)

4

1

1

1

1