La nouvelle société de l'information

A paraître quelque part.


Par Mohamed Louadi, PhD

Maître-assistant, Institut Supérieur de Gestion de Tunis

 

Lorsqu’en filigrane l’on parle encore de l’imminence de la société de l’information, des évènements récents (et un peu moins récents) nous laissent perplexes et pensifs. Ce sont des phénomènes isolés mais qui risquent de se mouvoir en tendances à tel point que l’on n’est plus très sûr de ce que « information » veut dire.

D’abord, c’est le New York Times, probablement un des journaux les plus respectés outre-atlantique qui, le 26 mai 2004, admet que sa couverture des évènements précédant l’invasion de l’Irak n’a pas été aussi rigoureuse qu’elle aurait dû. Trois des cinq articles (en fait ils sont bien plus nombreux) incriminés étaient écrits par un « reporter senior » du nom de Judith Miller, improvisée experte du Moyen-Orient  (un autre terme qui ne veut pas nécessairement dire ce qu’on croit). Pour ses articles, Miller utilisait souvent les allégations d’une seule source, biaisée qui de plus est, probablement Ahmed Chalabi. Dans d’autres, ce sont des déclarations faites par des officiels américains, elles-mêmes basées sur les dires de sources jamais interrogées directement par la journaliste, dont les déclarations d’un mystérieux ingénieur irakien. Pourtant les affirmations sur l’existence des armes de destruction massive en Irak ont toujours été teintées de tant de certitude qu’il y a effectivement de quoi être perplexe quant à l’absence totale de preuve irréfutable. Et ce sont des allégations qui ont abouti à une guerre, à une invasion et à une occupation.

Ceci arrive après qu’un autre journaliste du Times, Jayson Blair, fut dénoncé comme un menteur en série et un plagiaire écrivant souvent des histoires imaginaires ou sur des personnages imaginaires.

Plus récemment et plus près de nous, dans un article paru dans le no. 2262 de l’hebdomadaire JA/L’Intelligent, savamment titré « El-Para m’a tuer », Cherif Ouazani publie sa démission après plus de vingt-ans de carrière en raison de l’annonce prématurée de la mort d’un terroriste, El-Para, qui avait fait la couverture du même J.A.I quelques numéros plus tôt. De son propre aveu, l’information était erronée.

Que se passe-t-il ?

Alors que les initiatives des journalistes ou éditeurs cités ici sont tout à leur honneur et que les journaux en question en ressortent pratiquement blanchis, le lecteur moyen ne peut plus se fier à l’information, même imprimée, et ce quelque soit la réputation du journal ou du journaliste, fut-ce-t-il Bob Woodward. Le problème est que certaines informations semblent porter avec elles leur propre preuve tant elles deviennent immédiatement crédibles même sans preuve. Des exemples ? L’information selon laquelle l’armée irakienne est la quatrième plus puissante du monde colportée dans tous les journaux du monde au début des années 1990. L’information selon laquelle des employés israéliens auraient quitté les tours du World Trade Center quelques heures avant qu’elles ne deviennent la cible des avions destructeurs. Ces informations, fausses et prouvées comme telles, s’étaient répandues comme une traînée de poudre sans que personne ne trouve utile de les vérifier.

Si telle est l’information, que ce sera ladite société de l’information ?