Le haut débit: Quelle rentabilité pour les entreprises?

A paraitre quelque part


Par Mohamed Louadi, PhD

Maître-assistant, Institut Supérieur de Gestion de Tunis

 

Il y a plus de quatre ans, en octobre 2000, le gouvernement canadien s’était donné comme objectif quinquennal de généraliser l’accès à la large bande passante à la totalité des entreprises et des résidents. A l’approche de l’échéance, le Comité mandaté pour examiner et recommander au ministère de l’Industrie les propositions de plans de déploiement de la large bande, avait récemment présenté son rapport final. L’une des recommandations de ce rapport est de rendre les services à large bande une priorité nationale et d’élever le déploiement de la large bande, pour tous les Canadiens et à un prix abordable#1.

 

Incidemment, il y a un peu moins de deux mois, des discussions houleuses ont réuni (et parfois divisé), lors du Salon des télécoms, tenu en Corée du Sud, des spécialistes en TIC venant des quatre coins du monde et dont le débat était centré autour des normes et des standards à adopter pour les technologies sans fil. Les débats concernaient surtout la pertinence des investissements dans des technologies qui ont deux caractéristiques essentielles: (1) elles sont très coûteuses et (2) elles sont sans cesse changeantes. Ces caractéristiques, sans être limitées au sans fil, s’étendent à plusieurs autres technologies, y compris et ne se limitant pas à la large bande.

 

A l’heure où la mise à la disposition des ménages de l’ADSL est sans cesse imminente en Tunisie, il convient d’approcher la question pour notre pays où les ressources financières sont rares et où le conseil en TIC est non moins rare.

 

RNIS, ATM, ADSL, X.25, FR, LS, V.SAT, … On comprend facilement la confusion des entreprises lorsqu’elles se trouvent face à des acronymes incompréhensibles quand elles décident de se doter d’infrastructures réseaux, internes ou externes, ou même, pis encore peut-être, lorsqu’elles sont appelées à les améliorer.

 

Les bandes passantes requises par les applications : Chaque technologie a ses exigences en termes de débits (Données: Landscape of Mobile e-services, Risto Riihimäki, 16 mars 2001).

Chaque technologie amène avec elle son lot d’avantages et de promesses par rapport à l’alternative. Et quand l’entreprise décide de se moderniser, les choix abondent qui promettent d’être meilleurs que ce qui existe déjà. L’ennui, et c’est le point soulevé lors de du Salon des télécoms tenu en Corée du Sud c’est que les décideurs ne sont pas éclairés quant à la validité organisationnelle de ces technologies.  

 

La question posée est ancienne: quel est le retour sur investissement de chaque option. Les technologues se font certes forts de proposer les prouesses en kilobits par seconde (Kbits/s), en mégabits par seconde (Mbits/s) ou même en gigabits (Gbits/s). Ces mesures, on l’a compris nous informent sur la quantité d’informations échangées par seconde. A ces caractéristiques techniques, correspondent des coûts (fixes et variables). Mais sitôt une technologie adoptée, ne voilà-t-il pas qu’il y en a une autre qui émerge, meilleure, moins coûteuse mais éphémère comme la précédente.

 

Prenant comme exemple l’UMTS - Universal Mobile Telecommunications Service, proclamé comme une des technologies des communications vocales de la troisième génération, celle-ci est déjà taxée d’être «une des plus grandes faillites scientifique mais aussi prévisionnelle et financière» par Jean-Louis Fullsack#2, alors directeur-adjoint honoraire de France Télécom et ancien Expert principal auprès de l’Union Internationale des Télécommunications.

 

D’autres technologies vont et viennent et d’autres encore ne sont pas encore assez déployées pour avoir donné leurs preuves. Les plus périlleuses sont celles dont les coûts d’installation et d’acquisition sont tellement élevés (comme cela est le cas pour le RNIS - Réseau Numérique à Intégration de Services, par exemple), que les entreprises se sentent obligées de les garder jusqu’à ce qu’elles aient atteint leur seuil de rentabilité, mettant ainsi en sursis leur passage à une autre technologie plus performante.

 

Ici comme ailleurs, nos entreprises disposent-elles de conseils en la matière, hormis ceux des fournisseurs et des revendeurs, pour s’équiper et faire mieux face aux lendemains qui les attendent, vus les gains de productivité que les réseaux informatiques permettent réellement?


1  http://www.infometre.cefrio.qc.ca/loupe/sistech/0404.asp, consulté le 1er novembre 2004.

2 Voir notamment Fullsack, J-L. (2002). L’UIT, la vieille dame des télécommunications, dans la tourmente néolibérale, www.unige.ch/iued/wsis/DOC/026FR.PDF, consulté le 2 novembre 2004. Jean-Louis Fullsack est aussi membre –entre autres- de la Fédération des Ingénieurs des Télécommunications de la Communauté Européenne (FITCE) et de l’Institut de Recherches Economiques et Sociales des Télécommunications (IREST).