La longévité des entreprises dans

la Nouvelle Économie

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager

No. 65, décembre 2001, page 50


Par Mohamed Louadi, PhD

 

Grandes furent la surprise et la consternation générales quand la nouvelle tomba le 7 novembre annonçant la faillite de la compagnie aérienne belge Sabena, juste après l’effondrement du groupe Swissair. Ce qui est déconcertant c’est qu’avec ses 78 ans d’existence, Sabena est l’une des compagnies les plus vieilles d'Europe. Les entreprises seraient-elles mortelles aussi?

 

Par ailleurs, nul n'ignore le sort malheureux des entreprises dot-com, trop vite présentées comme le miracle de la nouvelle économie.

 

S’étant penchée sur la question de la survie et de la longévité des entreprises, une célèbre étude effectuée par Stratix Consulting Group, à Amsterdam, a une fois conclu que l’espérance de vie d’une entreprise européenne ou japonaise était inférieure à 13 ans. Pourtant, certaines entreprises, surtout européennes, ont vécu bien plus longtemps: Stora, une entreprise suédoise, est active depuis le XIIIè siècle! D’autres entreprises plusieurs fois centenaires incluent la japonaise Sumitomo (âgée de plus de 400 ans), l’américaine Du Pont (199 ans) et la britannique Pilkingston (175 ans).

 

Pour d’autres compagnies, la vie peut être bien plus courte. Certes l’on serait tenté de croire que l’incompétence des dirigeants est la cause fondamentale des défaillances d’entreprises» ou que «le succès engendre l’échec» ou mieux encore, d’évoquer le «paradoxe d’Icare » selon lequel le succès apporte invariablement une perte du sens des réalités et une baisse de la flexibilité, ce qui entraîne le déclin de l’organisation.

 

Aujourd'hui, les choses semblent avoir changé. L’espérance de vie d’une multinationale se situe entre 40 et 50 ans, ce qui veut dire que des 500 entreprises actuellement listées dans le magazine américain Fortune, 60% auront disparu, fusionné avec d’autres compagnies ou éclaté avant 2015. Déjà, 40% des entreprises figurant dans Fortune 500 dans le milieu des années 80 n’existaient plus dix ans plus tard et d’après les données accumulées par des chercheurs et consultants américains tels que Frank Ogden, la tendance risque non seulement de continuer, mais de s’accélérer. Car l’équivalent de la théorie darwinienne existe pour les entreprises: ce ne sont point les entreprises les plus fortes et les plus résistantes qui survivent mais celles dotées de capacités d’adaptation au changement. Or notre siècle est celui du changement et de la sélection et cela se traduit partout autour de nous pour peu que nous y prêtions attention.

 

NB: On apprend, le 20 novembre 2001, que le gouvernement français accorde un nouveau sursis financier à la grande entreprise informatique Bull, en sursis, certains diraient en respiration artificielle, depuis plusieurs années.