Quel est l'apport des technologies de l'information et de la communication? 

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager

No. 69, avril 2002, pages 48-49


 

Face aux exigences des temps nouveaux, les entreprises investissent de plus en plus dans les technologies de l’information et de la communication. Mais c’est comme si l’accroissement des besoins en informations se fait plus rapidement que les progrès technologiques.

 

Par Mohamed Louadi, PhD

 

En dépit des investissements mirobolants engloutis dans les technologies de l’information et de la communication, les entreprises qui ont dépassé le cap de l’informatisation sont encore victimes du même problème endémique qui est le manque de l’informatisation dont elles ont besoin quand elles en ont besoin. Certains diraient que c’est là une des manifestations du fameux paradoxe de l’information, et à un niveau moins avancé, le paradoxe de l’informatique.

 

En investissant dans les technologies de l’information et de la communication, la plupart des entreprises espèrent améliorer leur système d’information visant ainsi à saisir et à archiver leurs transactions et à disposer de systèmes de reporting et de mesures de performance sous la forme de tableaux de bord par exemple. Systèmes transactionnels, systèmes décisionnels et systèmes de pilotage sont devenus des termes courants dans les arcanes des hautes directions de certaines grandes entreprises tunisiennes.

 

Pourquoi les entreprises investissent-elles dans les technologies de l’information?

 

Ce serait se leurrer que de croire que toutes les entreprises ont un comportement rationnel vis-à-vis des technologies de l’information. Cela ne veut bien sûr pas dire que les entreprises investissent dans ces technologies sans raison.

 

L’on dira naturellement que les entreprises se dotent de technologies afin d’améliorer leur productivité, pour se «mettre à niveau», pour se structurer et s’aligner sur les autres entreprises, pour faciliter l’accès et la diffusion de l’information et pour un éventail d’autres raisons.

 

Mais grande pourrait être la déception de ceux qui ont cru que les technologies de l’information, et tout particulièrement l’informatique, augmenteraient automatiquement la productivité de leur entreprise. Comme il a été le fléau de celles qui les ont précédées, le paradoxe de l’information risque de frapper les entreprises tunisiennes et, à un niveau plus macro-économique, de stigmatiser l’économie tunisienne.

 

Le paradoxe de l’information

 

En fait comment se manifeste le problème du paradoxe de l’information?

 

L’on est victime du paradoxe de l’information lorsque, en dépit du déploiement d’un système informatique moderne, l’on est incapable d’obtenir des informations aussi rudimentaires que le coût de la main d’œuvre par exemple. Et quand bien même cette information est disponible et fiable, elle l’est rarement sous le même format ou sous un format facilitant son utilisation ou une analyse comparative. Il est plus aisé de comprendre cet état de fait lorsque l’information n’est pas saisie à temps par exemple, ou lorsqu’elle n’est pas assujettie aux contrôles de validité préalables. Bref, des problèmes que l’on souhaiterait avoir relégué aux années 80.

 

Les symptômes du paradoxe de l’information

 

Dans un article publié en février 2001, Is Your Business Intelligence Suffering from the Information Paradox?, Dan Pratte identifie d’une manière remarquablement simple quatre symptômes de ce problème.

 

Le premier symptôme se révèle lorsque une entreprise prend conscience du fait qu’elle amasse des montagnes de données avec la perception de plus en plus marquée qu’elle ne peut pas toujours en profiter. Plus on amasse d’informations et plus cette perception devient évidente.

 

Le deuxième symptôme se manifeste lorsque tout le monde s’accorde sur le fait que la fiabilité des données, et donc des informations, disponibles laisse à désirer.

 

Le troisième symptôme se révèle lorsque des réunions sont sans cesse organisées afin de déterminer qui a l’information la plus fiable et pour décider de la manière dont il faut procéder pour que tous ceux qui en ont besoin y aient accès.

 

Finalement, le quatrième symptôme se manifeste lorsque les responsables et les preneurs de décision ne demandent même plus de rapports parce qu’ils sont las de le faire sans les obtenir ou sans y voir l’information dont ils ont besoin dans le format dont ils ont besoin. Cela a souvent pour conséquence de les inciter à extraire leurs propres données et à produire leurs propres rapports, une situation qui a des conséquences autrement plus néfastes.

 

Ces symptômes trouvent leurs racines dans (1) la fragmentation des données à travers plusieurs sources, bases de données, fichiers et feuilles de calcul, (2) l’absence d’expertise dans l’interprétation des questions du management en des requêtes insérables dans le système informatique.

 

En sommes-nous déjà là ?

 

Le paradoxe de l’information semble être la malédiction des Pharaons des technologies de l’information car, comme dirait le célèbre auteur, toute technologie prend tôt ou tard sa revanche sur son inventeur. Il est indéniable que le problème a déjà atteint les entreprises et organismes tunisiens et que des actions correctrices sont parfois déclenchées, souvent à grands coups d’investissements technologiques. Malheureusement le problème n’est pas technologique et sa solution ne peut par conséquent pas toujours être technologique. En attendant que les entreprises réalisent que les problèmes d’information sont et restent des problèmes d’information, et donc de systèmes d’information, l’informatique continuera à donner l’impression d’être une partie du problème et, plus grand paradoxe encore, une partie de la solution.