Un livre tunisien sur le commerce électronique

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager

No. 66, janvier 2002, page 44


Par Mohamed Louadi, PhD

 

Un livre tunisien vient d'être publié portant sur le commerce électronique.

 

Composé de pas moins de dix-huit chapitres en 400 pages, le livre traite aussi bien des notions de base, des avantages, des modèles et des enjeux du commerce électronique que du payement en ligne avec tout ce que cela comporte de risque.

 

Trois chapitres sont consacrés au commerce électronique en Afrique, dans le monde arabe et en Tunisie. Un autre chapitre est consacré aux projets pilotes en Tunisie dont la fameuse galerie marchande du CEPEX. Les banques, neuf en tout, ne sont pas en reste mais ne se sont malheureusement vues consacrer que 17 pages; presque deux pages par banque. Les trois derniers chapitres parlent de portails tunisiens, du commerce électronique dans les entreprises et de la conception des sites Web.

 

Le chapitre XVII, le commerce électronique et les entreprises, aurait dû être plus près du début du livre vu son contenu généraliste et que les entreprises tunisiennes (traitées dans le chapitre XIII) ne devraient normalement pas être présentées avant Amazon.com par exemple, présenté au chapitre XVII.

 

Le lecteur sera contrarié par l'apparente hâte avec laquelle cet ouvrage aura été écrit à juger par le nombre de coquilles dont il est truffé jusqu'à la couverture externe. En guise d'exemple, une phrase qui aurait fait sourire Molière: "L'explosion du réseau n'est pas venu du hasard, ceci est dû aux services précieuses offertes aux différentes composantes de la société dans tous les domaines" (page 7). Plus loin, à la page 296, on lira "Des métiers ont été disparu et de nouveaux métiers ont été inventés".  Dans la quatrième couverture, on lit que (parlant de l'auteur) "est Vauteur (sic) d'un livre sur l'Internet". Bref, des erreurs et des coquilles que n'importe quel traitement de texte aurait soulignées de rouge.

 

Enfin le livre n'aide pas nécessairement le novice souhaitant en savoir plus sur les noms de domaines lorsqu'il lit (page 331), que le suffixe .tn (pour les sites tunisiens enregistrés chez l'Agence tunisienne de l'Internet) est "plus confidentiel". L'on conviendra, en toute logique, que si l'on cherche la confidentialité, la dernière chose que l'on se hasarderait à faire c'est s'afficher sur l'Internet.

 

Le livre ne manque pas de contradictions non plus. Ainsi par exemple, l'on pourra lire à la page 301 que si "vous exportez votre production et que vous n'avez pas encore de site web commercial, vous êtes en train de perdre beaucoup d'argent […]". Le conseil, déjà peu convaincant, perd toute sa crédibilité quelques pages plus loin (page 303) quand on lit que "Les sites de commerce électronique ne manquent pas sur Internet. Ce qui fait défaut en revanche, ce sont les consommateurs." L'on serait alors en droit de se demander d'où viendrait l'argent que ceux qui n'ont pas de site web seraient en train de perdre puisque les consommateurs manquent?

 

Les imprécisions de taille sont également de mise. Tous les experts en commerce électronique savent qu'à un moment donné, le célèbre constructeur de PC, Dell, réalisait un chiffre d'affaires quotidien de un million de dollars en vendant des ordinateurs sur l'Internet. Sauf que cela se faisait aux Etats-Unis et non pas en Europe comme cela est spécifié entre parenthèses à la page 308.

 

Mis à part ses nombreuses erreurs, le livre nous laisse avec l'impression d'un survol superficiel des véritables enjeux du commerce électronique, notamment en Tunisie. Plusieurs chapitres manquent, notamment sur la législation et l'éthique des transactions.

 

Parlant d'éthique, le Manager aurait apprécié d'être explicitement mentionné lorsqu'un chapitre entier (le chapitre XI sur le commerce électronique et le monde arabe) se trouve en fait être un "emprunt" d'un article publié dans l'ECONET du Manager (No. 47, juin 2000, pages 42-45). Ces emprunts sont régis par des lois en Tunisie, même en dehors du cadre du commerce électronique.  

 

Plutôt que d'être plagié d'une façon éhontée, Le Manager aurait apprécié une note de bas de page plutôt qu'une vague liste bibliographique des différents numéros dont cet auteur s'est inspiré et dont le format même laisse perplexe.